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Des pratiquants de Falun Gong font les exercices dans un jardin public à Taiwan- Janvier 2023

Des pratiquants de Falun Gong font les exercices dans un jardin public à Taiwan- Janvier 2023

« On vivait comme des espions » : Rencontre exclusive avec un témoin direct des persécutions en Chine

Après avoir commencé à pratiquer le Falun Gong en 1996 en Chine, Majian, jeune femme taiwanaise, quitte Pékin pour Taiwan. Son expérience est unique, car elle a été le témoin direct, et la victime parfois, des persécutions infligées au Falun Gong en Chine. 

Elle connaît à la fois la liberté qui est la nôtre et l’oppression la plus intense. Un témoignage unique, en exclusivité pour Faluninfo. Nous devons garder son identité secrète et l’appellerons donc par un pseudonyme, Majian, car si elle témoignait à visage découvert, les membres de sa famille et ses amis vivant encore en Chine courraient un grand danger.

Pour des raisons familiales, Majian est retournée vivre environ 10 ans en Chine autour des années 2008 (au moment des JO de Pékin). 

Comment vit-on en Chine lorsqu’on est pratiquant de Falun Gong ?

« J’étais comme tous les pratiquants en Chine, on restait très discrets, on n’avait pas de conversations [au sujet du Falun Gong] par téléphone, et les consignes de sécurité étaient très strictes. »

Ces consignes de sécurité semblent tout droit sorties de films d’espionnage. On aimerait que tout cela soit de la fiction, mais il n’en est rien. Majian nous dit que certains mots ne doivent pas être prononcés, et ce dans n’importe quel contexte, car les murs ont -littéralement- des oreilles. Par exemple, on ne dit jamais le mot « Falun Dafa» (l’autre nom donné au Falun Gong), on ne nomme jamais non plus les personnes directement, mais par des surnoms qu’ils sont seuls à pouvoir comprendre: «la grande soeur», «la dame» etc. 

Les téléphones portables sont laissés à la maison, ou sont éteints et enfermés dans des boîtes métalliques lorsque les pratiquants veulent se rencontrer, car ces téléphones sont mis sur écoute et peuvent amener les policiers directement à votre porte pour vous arrêter. Les chiffres des numéros de téléphone sont donnés dans le désordre afin que personne, à l’exception des personnes concernées, ne puisse retrouver le possesseur de ce numéro. 

Les lieux ne sont pas non plus directement nommés, mais suggérés encore une fois par des surnoms. Majian ajoute : « On vit comme des espions. Sinon c’est la vie des pratiquants qui est en danger. »

Majian a un fils, Zirong (pseudonyme pour protéger sa famille), qui a vécu sa petite enfance à Pékin. Il a gardé certains de ces réflexes, même en dehors de la Chine communiste. Par exemple, lorsqu’il est l’heure de faire la méditation, un geste, un regard, mais pas de mot qui pourrait être entendu par des oreilles malveillantes. 

Les rares fois où un avocat a suffisamment de courage et accepte de prendre la défense d’un pratiquant de Falun Gong, les appels avec celui-ci se font de façon anonyme et depuis un téléphone public. 

Le peuple chinois tout entier subit une pression intense

La plupart des Chinois n’ont pas la possibilité de remettre en question la propagande du gouvernement, qui procède à un véritable lavage de cerveau de la population tout entière, ils n’arrivent pas à remettre en question les mensonges dont ils sont abreuvés quotidiennement. Ainsi, les amis et la famille peuvent ne pas comprendre la raison pour laquelle les pratiquants résistent à la pression intense générée par l’Etat- Parti.

Majian explique : «Ils [la famille et les amis] demandent souvent: “pourquoi vous insistez, pourquoi vous continuez si c’est interdit ?”  »

La pression sur l’ensemble de la population est donc très forte et systématique: la pression du gouvernement (de la «justice»), mais également celle de l’entourage proche, pour qui «il est impensable de vivre selon des valeurs qui ne sont pas approuvées par le pouvoir». Il n’est pas rare non plus d’entendre des reproches du style : « Vous cherchez des ennuis, vous méritez d’être réprimés, car vous n’écoutez pas», résultat du lavage de cerveau d’un peuple tout entier.

« La vie était difficile, mais pas au sens où je manquais de nourriture. Mais autour de moi, certains ont été arrêtés plusieurs fois, certains envoyés dans des camps de travaux forcés. »

Majian a la chance de pouvoir témoigner aujourd’hui. Grâce à sa nationalité taïwanaise, elle était protégée et ne pouvait pas subir le même sort que ses compagnons de pratique chinois mais elle a vécu dans la peur, privée de libertés durant tout son séjour en Chine. Elle ne pouvait pas se déplacer librement ni rencontrer qui elle voulait. Ses relations aux autres étaient faussées par le contexte de terreur. Elle subissait même des pressions de sa famille. Ce sont les premiers niveaux de persécution que tout Falun Gong subit sur le sol chinois. 

Elle se souvient : « Au moment des JO de 2008, les pratiquants que je connaissais disparaissaient l’un après l’autre, certains sont revenus, d’autres non. Certains ont été envoyés en prison et d’autres en camp de travaux forcés. C’est une période qui m’a beaucoup marquée ».

Comment résister à la persécution ?

La première clef, c’est l’information, rétablir la vérité

« A mes proches qui ne comprenaient pas notre résistance, je leur expliquais, je leur montrais que nous sommes des gens de bien. On vivait normalement, on prenait nos repas ensemble, on passait des moments avec la famille, on regardait la télévision en famille. J’essayais de montrer un bon exemple. Physiquement et mentalement, j’étais très en forme. Je m’occupais de ma famille, j’étais bien avec tout le monde. Je leur disais : “Regardez, nous sommes le contraire de ce que dit le gouvernement !” »

La seconde clé pour résister, c’est la famille

Les pratiquants doivent soutenir leurs propres familles et réconforter celles des victimes, leur rapporter les faits, les informer et leur faire prendre conscience de la propagande du PCC (Parti communiste chinois), qui n’a d’intérêt que le maintien de l’ordre afin de garder le pouvoir – à tout prix et à tout moment. En les informant au mieux sur la vérité concernant le Falun Gong, les pratiquants aident ainsi les familles à ne pas se rendre complices des méfaits du PCC, notamment en arrêtant de relayer la diffamation et les mensonges à leur encontre, ou pis encore, à collaborer avec le gouvernement et à rendre encore plus insupportables l’incarcération injustifiée et les traitements violents. De plus, le rétablissement de la vérité et le soutien permettent aux familles de réduire le traumatisme lié à l’arrestation de l’un d’entre eux. 

L’essentiel, on l’aura compris, est de rester solidaires les uns des autres, notamment lorsqu’un pratiquant a été arrêté. En ces occasions, on rend visite à la famille pour les soutenir et, notamment les aider à trouver un avocat. Majian se rappelle : « Une de mes amies pratiquante a été arrêtée. Elle écrivait depuis la prison à sa mère, qui ne savait pas lire ; celle-ci m’appelait pour que je vienne lui lire les lettres de sa fille. »  Cette solidarité permet aux familles de tenir et de ne pas croire la propagande diffamatoire du PCC, qui dit pis que pendre sur les Falun Gong, afin de les discréditer et de les humilier aux yeux de tous les Chinois. 

En tant que Taiwanaise, quelles différences avez-vous senti avec le quotidien en Chine continentale ? 

« En Chine, on vit dans une grande prison en plein air, on peut faire certaines choses, mais on risque d’être arrêté à tout moment. Je n’ai pas eu de mal à retourner dans un pays libre, c’est très agréable. Pour les Chinois, c’est plus long et compliqué, car ils mettent plusieurs années à se libérer de la peur, de la terreur.  À chaque fois que je prends l’avion en direction de la Chine, je ressens une ambiance très dure de surveillance. Dès que je monte dans l’avion pour sortir de Chine, je sens la liberté. L’ambiance générale en Chine est lourde, pesante, on est étouffé. »

Comment est-ce qu’on élève un enfant dans ce contexte ?

Majian a élevé son fils en partie en Chine. Les enjeux étaient lourds. Bien que protégés par leur nationalité taïwanaise, ils baignaient dans cette atmosphère délétère au quotidien.

« J’avais une pression venant de la société, et on ne pouvait parler entre nous qu’à voix très basse. J’ai dû apprendre à mon fils le sens du mot : secret. »

Lorsque Zirong allait à l’école (en primaire à l’époque), il avait pour consigne de “ne jamais dire ce que fait sa maman. Majian savait qu’elle était obligée de transmettre ce message de méfiance élevée à son fils : « J’étais obligée d’apprendre cela à mon enfant, pour nous protéger. » Evidemment, le petit Zirong savait que sous aucun prétexte et à aucun moment il ne devait dire que « l’on est des pratiquants de Falun Gong. »

Majian et son fils sont conscients que pour leurs amis chinois, la situation « était beaucoup plus difficile ».

Il fallait également « expliquer la vérité [à propos du Falun Gong] aux enseignants, ou aux parents d’élèves. »

Dans les écoles en Chine, les parents sont très fortement incités à faire porter un foulard rouge à leurs enfants, et adhérer à la Ligue de la jeunesse communiste, qui est la première étape pour devenir un « bon petit communiste» . En rejoignant la ligue de la jeunesse ou les Jeunes pionniers, les enfants jurent qu’ils défendront le PCC envers et contre tout, et ce au péril de leur vie.

Toutefois, Majian nous explique que « certains parents arrivent à ne pas faire porter le foulard rouge à leurs enfants et à ne pas les faire adhérer à la Ligue de la jeunesse du PCC. »  Cela nécessite de « beaucoup parler à l’enfant, de lui expliquer les raisons pour lesquelles on est pratiquant de Falun Gong et pourquoi, malgré la pression, on abandonne pas la pratique. »

Zirong se souvient que parfois lui et sa maman avaient rendez-vous avec d’autres pratiquants; en ces occasions, si on lui posait des questions, il savait qu’il devait répondre des phrases du style «je vais au Macdo». Dès le plus jeune âge, les enfants doivent apprendre à protéger leur famille et leurs proches.

Zirong, alors âgé d’environ 8 ans se souvient que « le soir vers 21h le weekend on allait distribuer des dépliants [d’information sur le Falun Gong] dans les paniers des vélos. Mon rôle était de prévenir si quelqu’un arrivait au coin de la rue. A l’époque il n’y avait pas encore de caméra de reconnaissance faciale. En fait, je ne comprenais pas vraiment ce qu’il se passait. »

La seule chance, c’est de fuir, mais c’est très risqué

« Quand les parents sont enlevés les enfants vivent chez les grand parents. Si ceux-ci ne sont pas pratiquants, l’enfant n’aura pas la chance de comprendre ce que font ses parents. Quand ces derniers sortent de prison ou de camps de travaux forcés, qu’ils n’ont pas de travail, c’est difficile pour l’enfant. La meilleure façon de s’en tirer c’est de fuir à l’étranger. Toutefois il est très difficile d’avoir un passeport. Je connaissais une jeune femme qui avait obtenu un visa, tout était organisé avec l’école pour l’accueillir à l’étranger, mais elle a été arrêtée à la douane. Il y a énormément de cas semblables.»

Les Chinois sont-ils conscients qu’à l’étranger c’est différent ?

« Certains comprennent, notamment ceux qui peuvent aller à l’étranger. D’autres ne comprendront jamais. »

Gavés de propagande en tout genre (voir ce qui se passe actuellement avec le COVID), les Chinois ont bien évidemment du mal à démêler le vrai du faux. Ce n’est qu’en relayant le plus possible les informations non manipulées par le gouvernement chinois que le peuple entier pourra arriver à se libérer de ces mensonges.

Taiwan, c’est la Chine avant le communisme

Majian nous raconte que ses parents « sont venus à Taiwan depuis la Chine à cause du gouvernement de 1949 [au moment de la prise du pouvoir par le Parti communiste]. Ce sont des gens polis, très cultivés, très gentils envers chacun. »

Majian souligne que Taiwan représente cette Chine « d’avant», un pays libre dans lequel on peut respirer librement et croire à des valeurs traditionnelles. On a la chance de ne pas être gouvernés par le régime communiste. “

Merci à Majian d’avoir accepté de témoigner au micro de Faluninfo France. Il est essentiel de faire circuler une information juste et non biaisée à propos de ce qui se passe en Chine envers les Falun Gong.

En fait, à bien y regarder, il n’y a pas que les Falun Gong, les Ouighours ou les Tibétains qui sont opprimés : la Chine est, comme le mentionne Majian «une prison à ciel ouvert», c’est donc le peuple chinois tout entier qui est opprimé.

A quand une Chine ressemblant à Taiwan ?