Nouvelle loi en Chine: ce qui est considéré comme un secret? Chut! C’est un secret!

D’après une ancienne affiche de propagande sous Mao : liquidation de toutes les personnes qui divulguent les secrets d’État aux pouvoirs étrangers. Source: chineseposters.net

D’après une ancienne affiche de propagande sous Mao : liquidation de toutes les personnes qui divulguent les secrets d’État aux pouvoirs étrangers. Source: chineseposters.net

Le 1er mai prochain, une nouvelle loi sur la Protection des Secrets d’État entre en vigueur. Sera désormais considéré comme secret…. tout ce que le PCC décidera!

Le fait de divulguer un secret d’État en Chine peut vous valoir la prison pendant plusieurs années, voire même d’encourir la peine de mort. Vous avez donc plutôt intérêt à savoir ce qui est considéré comme un secret d’État. Le problème : cette information est ….secrète! 

Si, en tant que lecteur étranger, cette information vous donne mal à la tête, imaginez la situation des citoyens chinois et des entreprises étrangères qui opèrent en Chine. Ces derniers ont déjà vu l’année dernière leurs employés chinois se faire arrêter, accusés d’avoir tenté d’obtenir ou de divulguer des secrets d’État. Maintenant, tous doivent faire face à la nouvelle Loi de la Protection des Secrets d’État (中华人民共和国保守国家秘密法), qui entrera en vigueur le 1er mai 2024 en Chine. 

Cette loi est un amendement à une loi déjà existante, la Loi de Sécurisation des Secrets d’État, rédigée en 1988 puis révisée en 2010. Officiellement, son objectif est de renforcer la protection des secrets d’État et la sécurité nationale, ainsi que de prévenir les fuites d’informations, l’espionnage et le sabotage. 

La loi définit les secrets d’État comme des questions liées à la sécurité et aux intérêts de l’État dans différents domaines. Le problème est que la définition du secret d’État n’est pas claire car seules des catégories générales sont indiquées. En effet, la loi élargit la définition des secrets d’État pour inclure des questions qui n’ont pas été définies comme secrètes par une autorité quelconque, mais qui peuvent néanmoins affecter la sécurité et les intérêts de l’État si elles sont divulguées. 

L’article 13 explique que “les questions suivantes concernant la sécurité et les intérêts nationaux, pouvant nuire à la sécurité et aux intérêts du pays dans les domaines politique, économique, diplomatique et de la sécurité nationale, entre autres, si elles sont divulguées, sont considérées comme des secrets d’État : (1) les questions secrètes relatives aux décisions majeures concernant les affaires nationales ; (2) les questions secrètes relatives à la construction de la défense nationale et aux activités des forces armées ; (3) les questions secrètes relatives aux activités diplomatiques et aux affaires étrangères et les questions secrètes soumises à des obligations de confidentialité vis-à-vis du monde extérieur ; (4) les questions secrètes relatives au développement économique et social national ; (5) les questions secrètes relatives à la science et à la technologie ; (6) le maintien des activités de sécurité nationale et les enquêtes sur les questions secrètes dans les affaires criminelles ; (7) d’autres questions secrètes déterminées par le département administratif national de la confidentialité. Les affaires secrètes des partis politiques qui respectent les dispositions du paragraphe précédent sont classées comme secrets d’État. 

L’obsession du PCC à protéger ses secrets: « Agent secret ! Où fuis-tu? » Affiche de propagande datant de l’époque de Mao, source: chineseposters.net.

En d’autres termes, le PCC décidera de ce qui constitue un secret d’État, même après qu’il ait été révélé. « Affaires d’État », « développement social », « affaires criminelles »: toutes ces expressions peuvent englober les questions relatives aux droits de l’Homme et à la répression des croyances dites « illégales ». De plus, il existe toujours le terme « autres choses » mentionné par l’alinéa 7 de l’article 13, qui pourrait englober tout ce que le PCC considère comme secret d’État. 

La nouveau texte de loi donne également plus de pouvoirs à la Commission de la Sécurité Nationale, le Bureau des Secrets d’État, et d’autres autorités affiliées afin de superviser, d’inspecter l’application de la loi, d’enquêter et de sanctionner les violations. La loi alourdit également les sanctions en cas de violation de la loi, qui vont de l’avertissement et de l’amende à l’emprisonnement, voire jusqu’à la peine de mort, en fonction de la gravité et des conséquences de la violation. 

La loi peut avoir un effet dissuasif sur la liberté d’expression, d’information et de communication en Chine, en particulier pour les journalistes, les universitaires, les militants et les avocats, qui peuvent être confrontés à davantage de restrictions et de risques dans leur travail. La loi peut également affecter la coopération et les échanges entre la Chine et d’autres pays et régions, en particulier dans les domaines des affaires, de la science et de la technologie, car elle peut créer encore plus d’obstacles et d’incertitudes pour les entités et personnes étrangères. 

Elle pourrait donc s’avérer néfaste pour l’économie du pays. Mais peut-être que créer un climat de terreur, empêchant toute information nuisible au PCC d’être partagée sur les réseaux sociaux ou de circuler à l’étranger, apparaît comme plus important pour le PCC

Article original:https://bitterwinter.org/new-law-what-is-secret-in-china-its-a-secret/