Proposition de loi visant à encadrer le don et la greffe d’organe retoquée à nouveau par la majorité
Projet de loi visant à encadrer le don et la greffe d’organe de façon éthique dans les pays hors Union Européenne présenté par madame Frédérique Dumas, députée des Hauts de Seine et rapporteure des affaires sociales, le 4 février 2022.
Madame Dumas, dès son préambule, rappelle les paroles du ministre Franck Riester (ministre du commerce extérieur et de l’attractivité) soulignant que « le trafic d’organes est d’une extrême gravité » qui bafoue le respect des principes mêmes de notre démocratie.
Cette proposition de loi, déjà déposée en septembre 2020 et cosignée par 70 députés, vise à garantir « le respect de nos principes éthiques par nos partenaires non européens et d’obliger nos hôpitaux publics et privés à un devoir de vigilance effectif » afin de s’assurer que le don d’organe ainsi que la greffe soient encadrés de façon éthique et cela, quel que soit le pays (pour rappel, le don d’organe est libre, consenti et gratuit en France).
D’après la Députée, signer des accords internationaux tels que la Convention de Compostelle ne suffit pas, car dans le contexte médical, de graves dérives sont en jeu. Pour elle, cette proposition cible particulièrement la République Populaire de Chine pour trois raisons fondamentales :
- La première est que, contrairement à beaucoup d’autres pays dans le monde dans lesquels le trafic d’organes relève de réseaux mafieux, il s’agit ici d’un trafic « organisé, institutionnalisé et encouragé par l’Etat ».
- La deuxième raison est qu’il ne s’agit donc pas d’un phénomène marginal, car selon de nombreuses enquêtes indépendantes, le terme de « crime contre l’humanité à grande échelle » est clairement évoqué. Citons ici les travaux faits par Ethan Guttmann ou David Matas et David Kilgour et qui montrent que depuis de nombreuses années, la communauté internationale est largement informée de ce qui se passe en Chine.
- La troisième raison invoquée est le fait que « la Chine est l’un de nos principaux partenaires dans le domaine médical, de la santé et de la recherche depuis plus de 20 ans. »
Les mesures prises jusqu’à présent n’offrent en effet aucune garantie que la Chine respecte ses engagements tels que ceux visés par la convention de Compostelle. Pour madame Dumas, les députés doivent maintenant ouvrir les yeux et ne plus considérer que les amendements proposés pour compléter cette convention seraient « inopérants ». Alors que le conseil de l’Europe légifère en faveur d’une « grande prudence en ce qui concerne la coopération avec le « China Organ Transplant Response System », le législateur français semble tergiverser et ne pas mesurer l’ampleur du trafic et de ses conséquences internationales.
Le 14 juin 2021, « des experts de l’ONU ont déclaré être très alarmés par les rapports crédibles […] qu’ils ont reçus sur la pratique de prélèvements forcés d’organes en Chine sur des prisonniers issus de minorités ethniques, linguistiques et religieuses, Ouïghoures, Kazakhes, Kirghizes, Tibétaines et Falun Gong. »
Madame Dumas continue en rappelant que « aujourd’hui, au moins un million de personnes sont détenues dans des camps » et que « plusieurs enquêtes ont permis de déduire qu’entre 60 000 et 100 000 greffes d’organes seraient réalisées chaque année en Chine » alors que les chiffres officiels annoncent 19 000 greffes. D’autres preuves, tout aussi accablantes, sont les délais extrêmement courts pour obtenir une greffe : des enquêtes téléphoniques enregistrées ou effectuées en caméra cachée montrent qu’en 14 jours il est possible d’obtenir une greffe ; dans certains cas, seuls 2 jours suffisent- voire quelques heures. Pour rappel, en France il faut en moyenne attendre de 2 à 3 ans.
Un autre aspect noircit encore le tableau : à aucun endroit il n’est précisé que le consentement du donneur est demandé. Comment alors, au vu de toutes ces preuves, garantir un geste chirurgical éthique ? Ce manque de transparence a été souligné dans les travaux du docteur Wendy Rogers, qui note que, « sur 445 études, 92,7% des publications ne mentionnent pas la source des organes prélevés et que 99% d’entre elles n’indiquait pas si le don d’organes avait fait l’objet d’un consentement préalable. »
Un faisceau d’informations se recoupent pour corroborer ces preuves : Ethan Gutmann a, lors d’une de ses nombreuses enquêtes, constaté à l’aide d’images satellites que les camps de prisonniers jouxtent les hôpitaux dans lesquels les transplantations d’organes ont lieu, ainsi que des crématoriums et des aéroports labellisés « canal vert » (des tour opérators mettent en place des circuits matérialisés dans certains aéroport, qui facilitent la circulation des patients venant se faire greffer un organe) : en d’autres termes, tout est organisé autour de ce « tourisme de transplantation ». Cette macabre organisation, alliée à des recherches permettant une meilleure conservation des organes une fois retirés, ont fait que « le nombre de transplantations de foie a connu une hausse de 90% et le nombre de transplantation de rein de plus de 200% depuis 2017 ».
Ajoutons à cela des examens médicaux de toute sorte faits de force aux prisonniers dans les camps, la disparition de personnes entre 25 et 30 ans dans ces mêmes camps, des campagnes de publicité, notamment dans les pays du Golfe, pour faire venir des patients en attente de greffe et l’on comprend mieux les raisons de l’engagement de Madame Dumas pour faire en sorte que la convention de Compostelle soit amendée et ne dépende plus d’un accord tacite entre d’une part des pays soucieux du respect du donneur et du receveur et, d’autre part, d’un pays qui n’a d’intérêt que celui de l’argent- bien loin du serment d’Hippocrate cher à nos docteurs en médecine.
Pour autant, Madame la Députée déplore le fait que « le ministre de la santé, Monsieur Olivier Véran, n’ait jamais répondu [aux différents courriers] qu’elle lui a envoyés ». Pour le ministre, comme pour l’ensemble de la majorité, « il n’y a pas besoin de nouvelle législation ». La France continue de se voiler la face, notamment lorsqu’elle invite le docteur Zheng Shusen à venir en France en tant qu’invité spécial de l’académie de médecine, alors que plusieurs de ses articles ont été récusés par la revue internationale médicale de pointe Liver International . Il faudra attendre plusieurs courriers de la part de madame Dumas pour que le nom de ce médecin soit retiré du site de l’Académie nationale de médecine.
Aussi, madame Dumas souligne qu’il devient essentiel « de se doter d’outils efficaces d’évaluation et de contrôle, en conditionnant la signature et le prolongement des accords et des conventions de coopération avec des établissements de santé et de recherche des pays non-membres de l’Union européenne au contrôle effectif du respect par ces établissements des principes d’éthique prévus en droit français. »
Monsieur Jean Michel Clément (Libertés et Territoires) soutient cette proposition de loi et rappelle que « l’an passé, en commission, la majorité a rejeté cette proposition de loi. Depuis, la situation n’a pas changé et les preuves se sont accumulées. » De plus, il souligne que « les témoignages du China Tribunal font état de tests médicaux subis par les pratiquants du Falun Gong et les Ouïghours emprisonnés dans les camps. D’après ce groupe de juristes constitué en tribunal indépendant, que la commission des affaires étrangères a récemment auditionné, l’existence de prélèvements forcés d’organes est incontestable. »
Monsieur Clément termine en disant que « nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les exactions en cours : les soupçons d’hier sont devenus des faits avérés. Face à ces actes barbares et inhumains, rester silencieux, c’est être complaisant ; ne pas agir, c’est être complice. »
Les représentants de La France Insoumise, du Parti Communiste, des Républicains, de l’UDI, des Nouveaux Démocrates, du Parti Socialiste et du Parti Radical de Gauche soutiennent ce projet de loi, rappelant, notamment que ne pas agir serait contre nos principes démocratiques garants de la liberté individuelle. Le groupe Agir n’ayant pas donné de directive particulière, certains de ces membres, dont Madame Annie Chapelier, apportent leur soutien à ce projet de loi.
Pour autant, les nombreuses preuves, enquêtes, conclusions, rapports, soutiens et témoignages n’auront apparemment pas suffit pour convaincre la majorité et il est à déplorer que celle-ci ait jugé ce texte « inopérant » et l’ait ainsi rejeté une nouvelle fois. Il aurait pourtant permis une véritable prise de position de la part de notre gouvernement en faveur de l’éthique, des patients, des donneurs et de la population tout entière.