Politique “Zéro Covid” en Chine: quand le régime tente de réécrire l’histoire

Le 10 novembre 2022, CCTV, la chaîne de télévision de propagande du PCC, a fait un reportage sur la réunion extraordinaire du Comité permanent qui s'est tenue ce jour-là. (Capture d'écran)

Le 10 novembre 2022, CCTV, la chaîne de télévision de propagande du PCC, a fait un reportage sur la réunion extraordinaire du Comité permanent qui s'est tenue ce jour-là. (Capture d'écran)

Le Parti communiste chinois affirme avoir décidé d’en finir avec la politique “zéro Covid” le 10 novembre, avant l’incendie d’Urumqi et les manifestations. Cette affirmation est tout simplement fausse.

Ces derniers jours, le PCC a déployé un effort de propagande concerté pour nier que la fin de la politique “zéro Covid” était justement due aux conséquences économiques et sociales catastrophiques et aux protestations généralisées et sans précédent provoqués par cette politique. Plusieurs médias, dont le “Quotidien du Peuple”, organe de presse du Parti, et l’agence de presse officielle Xinhua ont publié des articles affirmant que le changement de politique avait été décidé le 10 novembre lors d’une réunion extraordinaire du Comité permanent du Bureau politique du Comité central du PCC, présidée par Xi Jinping lui-même.

La date est bien sûr très importante. Le 10 novembre était 14 jours avant l’incendie d’Urumqi du 24 novembre, drame au cours duquel 44 Ouïghours sont morts parce que les portes d’un immeuble en feu avaient été verrouillées la nuit dans le cadre de la politique “zéro Covid”. C’est après l’incendie d’Urumqi que les veillées à la mémoire des victimes et les manifestations ont commencé à déferler sur les réseaux sociaux, puis encore davantage dans la rue avec des dizaines de milliers de personnes protestant contre la gestion de la crise du Covid par le régime chinois. Le 10 novembre a également précédé les manifestations des 22 et 23 novembre à la plus grande usine d’assemblage d’iPhone du monde à Zhengzhou, dans le Henan, ce qui a contribué à persuader le PCC que les manifestations contre la gestion du Covid devenaient impossibles à contrôler.

Tout en accusant des agents étrangers d’être à l’origine de la propagation des manifestations dans le but d’instiguer une “révolution de couleur” en Chine, le PCC a qualifié les troubles sociaux comme étant un virus plus dangereux que la Covid 19 et a donc décidé d’abandonner la politique “zéro Covid” presque du jour au lendemain, le 7 décembre.

Était-ce donc le 7 décembre ou bien le 10 novembre ? L’histoire de la réunion extraordinaire du Comité permanent du 10 novembre fait l’objet d’un récit relevant de la légende, qui deviendra certainement la version standard de l’histoire selon le PCC pour les années à venir.

Hélas, cette histoire épique n’est pas vraie. Elle sera peut-être supprimée ou modifiée, néanmoins jusqu’à présent, il est toujours possible d’accéder facilement à la version de CCTV concernant la réunion extraordinaire du 10 novembre. On peut entendre que les instructions de Xi Jinping et du Comité permanent étaient de “mettre en œuvre de manière précise et complète les décisions et les plans du Comité central du PCC, de donner la priorité au peuple et à la vie, de mettre en œuvre la stratégie générale consistant à empêcher les importations de l’étranger et à empêcher les rebonds de l’intérieur, de mettre en œuvre de manière inébranlable la politique générale de la dynamique Zéro Covid.”

Le 10 novembre, les ordres étaient de “mettre en œuvre sans relâche” la politique Zéro Covid, et non de l’abandonner. CCTV a également mentionné, comme à son habitude, qu’une “guerre d’anéantissement” était menée contre le virus. Vingt mesures ont été suggérées, mais aucune d’entre elles n’impliquaient que la politique Zéro Covid ne soit plus en vigueur.

Il est vrai que le compte rendu de la réunion mentionnait également que la Chine devait “rétablir l’ordre normal de la production et de la vie dès que possible.” Mais cette chanson avait été chantée en continu pendant les longs mois de “zéro Covid” et n’a jamais impliqué le moindre écart par rapport à cette politique. C’est grâce au “zéro Covid”, et non sans lui, que l’on croyait que le virus serait “annihilé” et la vie normale restaurée.

Ce qui s’est passé est donc clair. Même si, lors de la réunion du 10 novembre, les voix appelant à un retour à la vie normale dès que possible étaient peut-être plus fortes que d’habitude, rien n’a été changé concernant le “zéro Covid”, et les ordres de poursuivre la politique ont été confirmés. Ce n’est qu’après les mécontentements à l’usine de Zhengzhou, l’incendie d’Urumqi et les protestations nationales massives qui ont suivi que le PCC a décidé de changer cette politique, de manière si soudaine que les infections et les décès ont explosé. Tout le reste n’est que propagande.

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