Génocide des Ouighours : comment en est-on arrivé là ?

Des prisonniers Ouighours rasés, entravés et les yeux bandés, sous haute surveillance policière (capture d'écran de la vidéo Youtube "War on Fear")

Des prisonniers Ouighours rasés, entravés et les yeux bandés, sous haute surveillance policière (capture d'écran de la vidéo Youtube "War on Fear")

Il y a quelques jours à peine, Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations-Unies, a publié un rapport sur les exactions à l’encontre des Ouighours en Chine, dans la région du Xinjiang.

Étonnamment, ce rapport a été publié au moment-même où la Haute Commissaire cessait ses fonctions au sein de l’ONU. 

Regardons la situation de plus près. 

Le rapport indique que « les allégations de pratiques de torture ou de mauvais traitements, notamment de traitements médicaux forcés et de mauvaises conditions de détention, sont crédibles, tout comme les allégations d’incidents individuels de violences sexuelles et sexistes ».

Dénoncer ces pratiques inqualifiables relève évidemment du devoir de chaque être humain soucieux du sort de ses congénères, qu’ils soient ici ou à l’autre bout du monde.

Comment la machine de destruction du PCC a-t-elle pu agir ? Est-ce que cette persécution ignoble est arrivée soudainement ? Quels mécanismes ont été mis en place pour permettre d’en arriver là ? 

« Si nous ne défendons pas les victimes d’aujourd’hui, nous courons le risque de devenir les victimes de demain. »

Par cette phrase, David Matas, avocat international pour la défense des droits de l’homme, illustre de façon très juste la situation en Chine en ce qui concerne les droits de l’homme.

Retour en arrière sur les années 2000, où David Matas et David Kilgour sont approchés pour effectuer une enquête indépendante (qui sera suivie d’un grand nombre d’autres enquêtes aboutissant toutes aux mêmes conclusions) sur des allégations de tortures, d’emprisonnements arbitraires, de viols collectifs, de lavage de cerveau et- ultime horreur, de prélèvements forcés d’organes sur des prisonniers de conscience non consentants, entraînant de facto leur mort. 

Sans que la communauté internationale n’y prenne garde, le Parti communiste chinois met au point un système complet qui va du prélèvement à la greffe, en passant par la prospection de clients en Chine et dans le monde, jusqu’à l’élimination des corps devenus inutiles.

Dans la tradition chinoise, on ne donne pas ses organes, le corps du défunt devant être enterré intact. Au milieu des années 80, le gouvernement chinois admet utiliser les organes des condamnés à mort- sans aucun respect pour une quelconque éthique. Rapidement toutefois, le nombre de greffes explose et le nombre de transplantations n’est plus en adéquation avec le nombre de condamnés à mort. Conjointement, un grand nombre d’hôpitaux sont construits et, fait étrange, on constate de véritables « hubs » de transplantation : les hôpitaux spécialisés jouxtent les aéroports, dans lesquels des couloirs réservés aux touristes venant subir une transplantation, sont matérialisés. Juste à côté, se trouvent des prisons ou des camps de travaux forcés, et également des centres d’incinération rigoureusement gardés par des policiers armés. 

Les médecins spécialistes sont envoyés dans le monde entier -notamment en France- pour y recevoir une formation de pointe sur la chirurgie de greffe ou en anesthésie appliquée à ce type de chirurgie. Une fois qu’ils ont pratiqué un seul de ces prélèvements forcés, ils deviennent instantanément à la fois victime et bourreau, complices d’un système qui prend de l’ampleur jour après jour. Que dire des universités et des médecins occidentaux qui les ont formés ?

Ainsi, il est possible de prendre rendez-vous pour se faire greffer un rein, un foie ou même un cœur ! Alors que dans les pays occidentaux il faut parfois attendre plus de 3 ans pour recevoir une greffe, on prend ici rendez-vous une quinzaine de jours à l’avance. Comment est-ce possible, notamment pour un cœur ? Comment peut-on s’assurer de la mort cérébrale « naturelle » de quelqu’un à l’avance et sur rendez-vous ? Si la greffe ne prend pas, aucun problème, on vous propose un autre organe dans un délai tout aussi court.

Souvent, au moment de leur arrestation, les pratiquants de Falun Gong refusent de donner leur nom afin d’épargner des ennuis à leurs proches, familles ou collègues, ces prisonniers de conscience n’ont donc même plus d’identité…comme c’est facile de se débarrasser d’eux ! Comme un corps est totalement utilisé (tous les organes monnayables sont retirés), leurs corps sont vite éliminés puisque les centres d’incinération sont bien commodément situés juste à côté des hôpitaux. Comment les familles peuvent-elles savoir si leurs proches sont vivants ou morts ?

Au cours de leur incarcération, ils subissent des examens médicaux poussés (sans leur consentement) afin d’alimenter une banque de données médicales qui permet en temps voulu d’aller choisir l’organe compatible avec un receveur potentiel. Ils ne sont donc ni plus ni moins qu’une banque d’organes à disposition du parti-État. De cette façon, un client qui attend désespérément un organe est, d’une manière ou d’une autre et sans le savoir, complice d’un système meurtrier.

Lentement mais sûrement, cette machine de destruction massive s’est mise en place et devant le peu de réaction de la communauté internationale, les prélèvements forcés ont pu être petit à petit pratiqués sur d’autres personnes, telles que les Ouighours. D’ailleurs, pour attirer de riches clients originaires des pays du golfe et en attente de greffe, le PCC n’hésite pas à faire la publicité pour des organes halal , faisant ainsi référence à l’origine ouïghoure des organes en question.

Voici donc comment le gouvernement chinois, pas à pas, s’est octroyé le droit de vie et de mort sur ses propres citoyens. Comme les résultats étaient probants sur les Falun Gong et que les instances internationales ne réagissaient pas, pourquoi s’en arrêter là ? Les Ouighours étaient les suivants sur la liste.

Génocide ou pas génocide ?

Lors d’une manifestation pacifique, les portraits de pratiquants de Falun Gong morts sous la torture sont montrés pour dénoncer la brutalité du Parti communiste chinois (photo NTD)

Si l’on s’en réfère à la définition offerte par Wikipedia  « un génocide, dans son acception la plus répandue aujourd’hui dans la communauté académique, est un crime consistant en l’élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d’un groupe nationalethnique ou encore religieux, en tant que tel, ce qui veut dire que des membres du groupe sont tués, brisés mentalement et physiquement, ou rendus incapables de procréer, en vue de rendre difficile ou impossible la vie du groupe ainsi réduit. Le génocide peut être perpétré par divers moyens, le plus répandu et le plus évident étant le meurtre collectif. »

Il est indéniable que nous avons à faire à une extermination délibérée de tout un peuple en la personne des Ouighours. On parle alors de génocide.

Or, si les Ouighours (ainsi que les Tibétains ou les Mongols) entrent dans les catégories ethnique et religieuse du génocide, qu’en est-il des Falun Gong ?

Le Falun Gong n’est pas une religion, il rassemble des personnes du monde entier, de tous âges et de toutes conditions sociales. Il ne s’agit pas d’un peuple particulier ni d’un groupe « génétiquement » identifiable.

Dans ce cas, quel terme doit-on utiliser ? 

Quel terme employer pour désigner ce que subit un groupe de personnes pacifiques depuis maintenant 23 ans et ce, dans l’indifférence la plus complète ? 

En plus des sévices, des mensonges, de la torture, du harcèlement et de la déshumanisation de tous les Falun Gong, même le mot “génocide” leur est refusé. Par défaut, il est question de “crimes contre l’humanité”. 

Jusqu’à ce que les autorités politiques internationales s’emparent réellement du sujet, sans peur et sans équivoque, il faudra se contenter de cela. Les Falun Gong, puis maintenant les Ouighours.

Alors, génocide ou pas génocide ? 

Qui seront les suivants ?