Diplomatie à la chinoise, ou quand la souveraineté des nations est menacée

La diplomatie internationale est un rouage essentiel de nos sociétés, un facilitateur d’échanges, de dialogues, permettant parfois des compromis pour désamorcer des situations tendues. Toutefois, l’idée même du mot « diplomatie » semble revêtir un tout autre sens pour des pays relevant d’un régime de dictature, comme par exemple pour l’Etat chinois. En effet, un rapport publié récemment par l’Irsem (Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire, organisme qui dépend du ministère des Armées) montre très clairement que l’Etat chinois ne s’embarrasse pas de scrupules dans sa mission diplomatique et qu’il outrepasse grandement ses droits dans beaucoup de domaines, allant ainsi jusqu’à exporter ses méthodes de propagande, de chantage, de pression – en un mot ses méthodes mafieuses.

Entre autres choses ce rapport recense les 24 formes de répression dont les Falun Gong font l’objet non seulement en Chine, mais dans le monde entier. Une question se pose alors : comment se fait-il que le PCC arrive à exporter son fonctionnement et sa répression des Falun Gong hors de la Chine sans que personne- ou presque- ne semble s’en émouvoir ni ne réagisse ? C’est là que la « diplomatie » intervient, à des niveaux et dans des proportions diverses.

Ce rapport nous enseigne ceci : « En février 2001, le consulat de Chine à Sydney a créé un groupe spécial en charge de la lutte contre Falun Gong. Le groupe était dirigé par le consul général lui-même et se réunissait deux fois par mois. » Le rapport parle même de « [..] guerre au Falun Gong […] », terme confirmé par Chen Yonglin, ancien responsable « du dossier Falun Gong » à Sydney et dont la tâche consistait à « surveiller et persécuter » les membres du Falun Gong en Australie. 

Le PCC met tout en œuvre faciliter cette répression à l’étranger, car « Chen affirme en outre que le système de collecte de renseignement sur le Falun Gong en Australie [et aux Etats-Unis, notamment] reposait à l’époque sur quelque 1 000 agents et informateurs. »

Pour parvenir à ses fins, le gouvernement chinois organise « une propagande importante en direction des gouvernements étrangers, des élus, médias, universités, etc., afin de les convaincre de la légitimité des actions chinoises et du caractère nocif du Falun Gong. »

De plus, les diplomates ont pour mission de « ficher et détecter les pratiquants de Falun Gong afin de les inscrire sur une liste noire les empêchant de retourner en Chine. »

En outre, « les autorités chinoises […] financent la diffusion d’émissions de radio et de télévision anti-Falun Gong. Enfin, les émanations du bureau 610, comme d’autres acteurs du Parti-État, s’appuient sur les diasporas chinoises en Occident pour étouffer les activités du Falun Gong. »

Clairement, la ligne de l’ingérence et de la manipulation est franchie, comme le souligne le rapport : « Même si le bureau 610 n’est pas un acteur de premier plan des opérations d’influence chinoises, ses activités dans les pays abritant de nombreux adeptes du Falun Gong constituent une véritable ingérence. » Pour rappel, « le Bureau 610, [qui] compterait environ 15 000 personnes sur l’ensemble du territoire chinois et à l’étranger [agit] en dehors de tout cadre légal pour éradiquer le mouvement Falun Gong. Il y a notamment un membre du Bureau 610 dans chaque mission diplomatique chinoise, dont la mission est de détecter, ficher et persécuter les adeptes de ce mouvement, tout en menant des actions de propagande en direction des gouvernements étrangers pour les dissuader d’entretenir des relations avec eux. »  Comme le notent les auteurs du rapport, ce bureau agit en dehors de tout cadre légal et son action peut être comparée à celle des Nazis pendant la dernière guerre : réprimer, enfermer illégalement, torturer, tuer, harceler, tout est permis-voire récompensé par le gouvernement qui dispose là d’un bras armé composé d’agents qui n’ont ni scrupule ni morale. 

« La plus grande campagne de répression transnationale dans le monde »

« La première priorité pour le Parti-État est de faire en sorte que ces diasporas […] ne constituent pas une menace. Ses principales cibles de ce point de vue sont les minorités ethniques et religieuses, en particulier les Tibétains, les Ouïghours, les Mongols (originaires de la région de Mongolie-Intérieure) et les pratiquants du Falun Gong, mais aussi les indépendantistes taïwanais, les opposants politiques et militants pro-démocratie, dont les Hongkongais qui depuis 2019 font l’objet d’une attention particulière, les défenseurs des droits humains, les journalistes et d’anciens fonctionnaires recherchés pour « corruption». Contre ces catégories de « Chinois outre-mer », Pékin déploie une campagne de répression transnationale qui, selon l’ONG Freedom House, est « la plus sophistiquée, globale et complète dans le monde ».

En d’autres termes, le PCC est mu par la peur : peur des Mongols, des Ouïghours, des indépendantistes car il se sent menacé dans sa toute-puissance. Mais sa plus grande peur semble être celle des Falun Gong. Etonnant, vu que ceux-ci n’ont aucune ambition politique. La surveillance à outrance, le harcèlement, l’intimidation, la répression n’ont alors plus de limite pour « protéger » le PCC et ses élites. 

Dans cet ordre d’idées le rapport nous dit que : « Concrètement, il s’agit de surveiller ces communautés et individus, quelle que soit leur citoyenneté puisque le Parti-État a une approche ethnique, de les recenser, les infiltrer, maintenir une pression constante sur eux, les intimider, les menacer, les harceler, les contraindre d’une manière ou d’une autre, voire les agresser physiquement (pas moins de 214 cas recensés par Freedom House entre 2014 et 2020), mais aussi de faire pression sur les États sur le territoire desquels ils se trouvent afin de les faire arrêter et éventuellement extrader (ce qui est arrivé en Inde, Thaïlande, Serbie, Malaisie, Égypte, Kazakhstan, EAU, Turquie et Népal au moins). »

Les tactiques employées sont connues et répertoriées, elles vont « des menaces de mort ou de viol à l’agression physique, en passant par des cyberattaques, des pressions sur la famille ou les proches restés en Chine, des restrictions de déplacement (confiscation de passeports, révocation de visas), des filatures et des fouilles, des campagnes de harcèlement sur les réseaux sociaux, etc. »

Il va sans dire que toutes ces tactiques requièrent l’adhésion des diplomates chinois à l’étranger, preuve que Pékin ne desserre jamais l’étau qui tient tout un peuple en prison-et ce, même à l’étranger.

Manifestations prises pour cible par Pékin.

Le rapport nous apprend que tous les niveaux de la diaspora chinoise subissent des pressions et sont soumis à la corruption de la part du PCC. En effet, les intérêts du PCC sont défendus par tous les moyens lors de certaines manifestations. « Chang Hsiu-yeh, secrétaire général de la Concentric Patriotism Alliance (中華愛國同心會) défend les intérêts du PCC, s’en prenant parfois violemment à certaines cibles, dont les membres du Falun Gong et les militants pro-démocratie et pro- indépendance. Cette organisation sert aussi à mobiliser des gens pour manifester, quitte à les payer pour le faire – entre 800 et 900 dollars taïwanais (23-26 euros) par personne pour agiter le drapeau de la RPC lors de divers événements à Taipei, selon J. Michael Cole » (Democracy under Fire, op. cit., p. 16).

Le Canada ou l’Australie ne sont pas les seuls pays dans lesquels diplomates et résidents d’origine chinoise font pression sur les gouvernements locaux.

« La Suède – qui a reçu le dalaï-lama en septembre 2018 – est un asile pour les réfugiés ouïghours, tibétains et Falun Gong, c’est-à-dire les cibles principales de Pékin, comme le confirment plusieurs affaires d’espionnage au sein de ces communautés […]. »

On ne peut que constater que Pékin ne connaît que la manipulation pour approcher les relations internationales mais il est à noter qu’un pays, même considéré comme « petit » peut faire valoir sa souveraineté et ne pas se laisser intimider par le géant asiatique. 

Les gouvernements du monde entier doivent comprendre qu’ils ont à faire à un « Etat criminel », comme l’a qualifié Sir Geoffrey Nice, QC, président d’un tribunal indépendant (le China Tribunal) qui s’est réuni en 2019 pour juger des crimes contre l’humanité perpétrés par le gouvernement chinois. Cet « Etat criminel » semble avoir des diplomates à son image. En effet, le rapport de l’Irsem souligne que : « L’ambassadeur chinois Mei Ping, en poste à Ottawa de 1998 à 2005, était déjà particulièrement agressif, en particulier contre les adeptes du Falun Gong. Il écrivait fréquemment des lettres et passait des coups de téléphone à des hommes et femmes politiques canadiens pour tenter de les dissuader d’être en contact avec ces « hérétiques », « dérangés mentalement ». »

Force est de constater que tout est mis en place depuis Pékin pour éradiquer le Falun Gong. « En avril 2007, Jim Judd, directeur du SCRS, reconnaît devant le comité sénatorial permanent de la sécurité nationale que les opérations chinoises occupent pas moins de la moitié du temps du contre-espionnage canadien ».

Bien entendu, un grand nombre de Chinois résidant à l’étranger ne se laissent pas faire et refusent de plier sous les injonctions du régime de Pékin.

Ces « dissidents » sont la cible des ambassades de façon récurrente : « Les cas de harcèlement et d’intimidation de citoyens et de résidents canadiens considérés par Pékin comme des dissidents ou des menaces, sont nombreux et bien documentés. Ils concernent surtout mais pas seulement des personnes liées de près ou de loin à ce que le PCC considère comme les cinq poisons (les Ouïghours, les Tibétains, les membres du Falun Gong, les pro-démocratie et les indépendantistes taïwanais). »

De fait, il faut garder à l’esprit que les Chinois ont tous, à des degrés divers, baigné dans l’idéologie de « lutte » du communisme qui induit que si l’on ne véhicule pas les idées décidées par le gouvernement, on devient un « ennemi anti -Chine ». Toute personne ayant des idées non convenues et conformes à la dictature devient une menace ; les personnes ayant fui la Chine sont évidemment dans le collimateur des diplomates et de Pékin en général : ne vont-ils pas dire des « mensonges » sur leur pays d’origine ? Ne vont-ils pas véhiculer des propos « anti-Chine » ? Quand on connaît la ferveur nationaliste enseignée dès le plus jeune âge aux enfants des écoles, cette soi-disant menace est inacceptable. Il faut donc étouffer les voix des « dissidents ».

« Au cours des années précédentes [avant 2009] en effet, plusieurs affaires avaient notamment mis en évidence le rôle des diplomates chinois dans la surveillance, l’infiltration et le harcèlement d’un certain nombre de groupes considérés comme dissidents, dont en particulier les adeptes du Falun Gong. En 2004, par exemple, le consul général adjoint de Chine à Toronto, Pan Xinchum, a été condamné en justice pour diffamation envers un homme d’affaires pratiquant le Falun Gong ; et la police a vu deux membres du personnel du consulat chinois à Calgary distribuer, lors d’une conférence à l’université de l’Alberta à Edmonton, de la « littérature haineuse » : deux pamphlets dont l’un au titre explicite (Falun Gong est une secte diabolique), « illustrés avec des images sanglantes d’immolations, de crimes et de suicides».

Les auteurs du rapport ajoutent que : « En 2006, le visa de Wang Pengfei, deuxième secrétaire du Bureau de l’éducation à l’ambassade de Chine à Ottawa, n’est pas renouvelé et il doit quitter le territoire, après qu’il a été établi qu’il « avait en particulier pour tâche de ficher les pratiquants du Falun Gong au Canada et de leur mener la vie dure ». »

Bien que des associations telles que Amnesty International ou d’autres ONG se soient saisis de ce sujet, on constate que « Dans une mise à jour de mars 2020, les mêmes [ONG] concluaient que, trois ans plus tard, « la situation s’aggrave […] : les incidents d’ingérence sont de plus en plus répandus dans différentes sphères de la société, témoignant d’un vaste éventail de tactiques, et dépassant les cibles traditionnelles ».

Tout ceci ne peut que renforcer l’idée selon laquelle Pékin se croit au-dessus des lois, tout comme le tristement célèbre Bureau 610. Peut-on laisser un tel gouvernement faire preuve d’ingérence dans nos démocraties sans réagir ?

Usurpation d’identité et intimidation

 La « diplomatie » chinoise a encore d’autres ressources pour parvenir à ses fins et discréditer les Falun Gong, notamment l’usurpation d’identité. Le rapport révèle que « les attaquants ont notamment envoyé des courriels insultants à des ministres et parlementaires en se faisant passer pour des membres du Falun Gong dans le but de discréditer ces derniers. C’est une pratique courante et non limitée au Canada, comme l’explique une membre de l’association canadienne de Falun Gong : « des fonctionnaires gouvernementaux de tous les niveaux dans de nombreux pays ont été systématiquement et à plusieurs reprises visés par des courriels frauduleux de personnes prétendant être des pratiquants de Falun Gong. L’expéditeur se montre souvent obsessionnel, irrationnel et impoli, donnant ainsi une légitimité aux affirmations du régime chinois selon lesquelles le Falun Gong est une menace pour la société […]. Certains de ces courriels ont été attribués à des adresses IP originaires de Chine ». Au Canada, de tels courriers offensants et parfois menaçants ont été envoyés par des personnes prétendant être du Falun Gong à des politiciens, dont les députés Judy Sgro en décembre 2017 et Peter Julian en mars 2019 ».

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les cas se multiplient, comme si les auteurs de ces diffamations n’avaient aucun sens moral. 

« Selon Zhang Jiyan, l’épouse d’un comptable à l’ambassade de Chine à Ottawa qui, en 2007, a fait « défection » et a demandé l’asile au Canada, l’ambassade avait à l’époque « une unité spéciale d’une dizaine de personnes “chargées de collecter de l’information sur les groupes pouvant présenter une menace, spécialement sur les pratiquants du Falun Gong” ». Elle explique que l’une des méthodes utilisées pour les débusquer était l’infiltration des clubs de Tai-chi-chuan et de Qi gong. Elle témoigne que cette unité produisait « du matériel incitant à la haine contre le Falun Gong » que l’ambassadeur lui-même disait transmettre « aux membres du Parlement, aux responsables du gouvernement canadien, ainsi qu’à l’ancienne gouverneure générale ». Zhang Jiyan a aussi montré à la presse une note confidentielle selon laquelle l’un des buts de cette unité « était d’utiliser des membres de la diaspora et des étudiants pour bloquer l’attribution d’une licence à la chaîne de télévision en mandarin New Tang Dynasty Television  (NTDTV) en envoyant des pétitions et des lettres de protestation. […] Des pressions auraient aussi été exercées sur un câblo-opérateur canadien pour le dissuader d’offrir NTDTV à ses abonnés ». Zhang Jiyan a finalement obtenu un statut de réfugiée au Canada. »

Dans de nombreux cas, la « diplomatie » exercée par les représentants de Pékin à l’étranger s’apparente à des méthodes d’intimidation mafieuse. Par exemple, le rapport nous dit ceci : « En 2005, par exemple, à la suite de l’annonce de la visite prochaine du dalaï-lama, la consule générale de Chine à Toronto, Chen Xiaoling, avait elle-même envoyé une « lettre d’avertissement » à 44 conseillers municipaux, leur demandant de ne pas « autoriser ni faciliter » cette visite, s’ils voulaient maintenir de bonnes relations avec la Chine. « La plupart de ces lettres se concluent par une mise en garde peu subtile. [Une] stratégie grossière, qui peut être assimilée à du harcèlement en raison de son ampleur. » »

Etouffer la voix des dissidents

L’objectif avoué de Pékin est de faire taire la voix des dissidents avant même qu’ils ne s’expriment. « Les cas de harcèlement et d’intimidation de citoyens et de résidents considérés par Pékin comme des dissidents ou des menaces, sont nombreux et bien documentés. Pékin organise (la plupart du temps via WeChat) des contre-manifestations agressives, mène des campagnes de harcèlement et d’intimidation visant des individus ciblés, à l’aide parfois de faux comptes et d’images « photoshoppées », utilise la famille ou des proches restés en Chine comme levier, surveille constamment certaines communautés, notamment les minorités ethniques (dont les Ouïghours), conduit des cyberattaques contre des groupes ou individus dissidents, pratique l’usurpation d’identité (les attaquants ont par exemple envoyé des courriels insultants à des ministres et parlementaires en se faisant passer pour des membres du Falun Gong dans le but de discréditer ces derniers) et des restrictions de déplacement (des militants canadiens se sont vu refuser un visa pour la Chine, ont été arrêtés, détenus et intimidés dans des aéroports chinois, et ont été contraints de quitter le territoire chinois). Dans tous les cas, le but est le même : étouffer la voix des dissidents. Les représentants de Pékin à l’étranger, en l’occurrence l’ambassadeur et les consuls au Canada, sont directement impliqués dans certaines campagnes d’intimidation. »

Ces informations étayées constituent, une fois de plus, des preuves accablantes pesant sur le régime totalitaire chinois. Le rapport de l’Irsem nous éclaire encore davantage sur le rôle que le géant asiatique tient à jouer sur la scène internationale, et sur les moyens qu’il n’hésite pas à mettre en œuvre pour parvenir à ses fins. Comment peut-on traiter avec un gouvernement criminel aux méthodes mafieuses et qui ne s’embarrasse d’aucun scrupule pour parvenir à ses fins ? Juguler, manipuler, intimider, mentir, harceler, emprisonner, trahir, persécuter…tous ces actes répréhensibles bien maîtrisés par les diplomates chinois à l’étranger n’ont pas fini de faire couler du sang- et de l’encre. Il en va de la survie de nos nations de se détacher de l’influence toxique du gouvernement chinois et de ses manipulations dangereuses et grossières. Un pays tel que la France qui porte haut les principes de Liberté, Egalité et Fraternité se doit de prendre position clairement et de refuser l’ingérence diplomatique chinoise, à quelque niveau de la nation que ce soit.

Merci aux chercheurs de l’Irsem pour leur travail méthodique ; le monde libre ne pourra plus dire : « On ne savait pas ».